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Faut-il changer sa foulée pour ne pas atterrir sur le talon ?

Avec l’émergence du mouvement de course à pied minimaliste (très populaire puis en berne ces dernières années), atterrir sur le talon a été pointé du doigt comme le stigmate d’une mauvaise foulée. Mais qu’en est-il vraiment ? Faut-il s’efforcer de changer sa foulée lorsqu’on est un heel striker (attaquant du talon) ? Est-ce un élément important pour progresser en course à pied ?

Les chercheurs Joseph Hamill et Allison H.Gruber ont passé en revue l’ensemble des études scientifiques réalisées à ce jour sur le sujet et livrent des conclusions intéressantes.

Atterrir sur l’avant du pied : la foulée la plus naturelle ?

Cette notion a été particulièrement mise en avant par Daniel E. Lieberman et notamment citée dans le livre Nés pour courir de Christopher McDougall. Une de ses études montre que les personnes habituées à courir pieds nus atterrissent sur l’avant du pied tandis que celles habituées à porter des chaussures attaque du talon. Partant de cela, le chercheur conclut qu’atterrir sur l’avant du pied est la foulée la plus naturelle pour l’être humain.

Néanmoins, Hamill et Gruber notent que, même en admettant que cette conclusion soit vraie pour la course à pied barefoot (pieds nus), rien ne prouve qu’elle s’applique également à la course à pied avec chaussures.

Enfin, une recherche récente contredit la découverte de Lieberman : en étudiant les différences de foulée entre les enfants et adolescents habitués à évoluer pieds nus et ceux habitués à porter des chaussures, Karsten Hollander et al. ont découvert que, finalement, les premiers étaient plus susceptibles d’attaquer du talon.

Quelle est la proportion de coureurs s’appuyant sur l’avant du pied ?

C’est une question naturelle lorsqu’on parle d’attaque avant pied. Les conclusions des études réalisées à ce jour (sur route lors de marathons et semi-marathons, ainsi qu’en laboratoire) indiquent que moins de 6% des coureurs utilisent réellement cette technique. À l’inverse, entre 75 et 94% des coureurs s’appuient sur le talon et la proportion maximale observée de coureurs atterrissant sur le médio-pied est de 23%.

Hamill et Gruber notent par ailleurs que les coureurs adaptent également leur foulée en fonction du type de course et d’entraînement : un coureur de longue distance aura tendance à atterrir sur le talon tandis qu’un coureur de sprint va plutôt s’appuyer sur le milieu ou l’avant du pied lors de l’atterrissage.

Attaquer du talon augmente-t-il le risque de blessure ?

Après avoir passé en revue l’ensemble des études réalisées à ce jour, Hamill et Gruber concluent qu’il n’existe pas de preuves tangibles qu’un type d’attaque soit associé à moins de blessures. Pour obtenir des conclusions probantes, les chercheurs affirment qu’il faudrait des essais randomisés et contrôlés sérieux. Hors aucun n’a été réalisé jusqu’à présent.

Cependant, ils notent que chaque type de foulée expose le coureur à différents types de blessures. Ainsi, au mieux, changer de foulée reviendrait à échanger le risque de certaines blessures par d’autres.

Pour finir, nous reprendrons la conclusion des chercheurs :

Après avoir examiné la littérature de recherche scientifique existante, nous avons conclu que changer sa foulée en optant pour une attaque médio ou avant pied n’augmente pas l’économie d’énergie, n’élimine pas un impact avec le sol lors de l’atterrissage, et ne réduit pas le risque de blessures liées à la course à pied.

Source : Is changing footstrike pattern beneficial to runner? (Journal of Sport and Health Science, 2017)

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Kevin Le Gall

Kevin Le Gall

Kevin est le créateur et éditeur de Chaussure Running. Il a débuté la course à pied en 2015 et couru son premier marathon à Rotterdam en 2016. Il a également contribué au lancement de la marque américaine Under Armour en Europe, notamment sa collection HOVR pour le running, au sein de son équipe marketing. Par ailleurs, il pratique et enseigne le yoga (diplômé de la formation 300h de Sivananda), ce qui se reflète dans son approche du running qui privilégie le bien-être à la performance.

10 réflexions au sujet de “Faut-il changer sa foulée pour ne pas atterrir sur le talon ?”

  1. Article normal pour un site de chaussures de running…..et la conclusion est à l’unisson de la qualité de votre article.
    Nous avons tous une conscience et nous devons tous nous assurer des conséquences de nos propos.

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  2. Que voulez-vous dire exactement ? Nous sommes les premiers à avoir une inclinaison pour la course à pied minimaliste. Néanmoins, nous nous fions uniquement aux preuves scientifiques solides quand il s’agit de faire des recommandations. Si une étude prouve que changer sa foulée pour attaquer du médio-pied ou de l’avant-pied peut réduire le risque de blessure, nous serons les premiers à la publier.

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  3. En fait la question est mal posée : la partie du pied qui se pose en premier est le résultat de toute une chaîne : position du bassin, longueur de la foulée… l’attaque forte sur le talon est souvent le résultat d’une foulée que le coureur tente d’allonger dans l’illusion que cela le fera aller trop vite; alos que ça le ralentit (effet « coup de frein ») et augmente le risque de blessure… Mieux vaut poser le pied à peine devant le centre de gravité et pousser plus derrière !

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  4. Moi je pense que tout dépend de l’âge du coureur, en effet un enfant ou un ados pourra avec un travail spécifique modifier sa foulée pour la rendre plus efficace, par contre à l’âge adulte je crois qu’il est très compliqué de changer de foulée, voir même c’est dangereux, douleurs aux mollets etc….

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  5. Attention au Cherry Picking… vous citez un (1) article qui est une revue narrative d’auteurs qui sont pro chaussures techno-modernes-maximalistes. Leur revue est teintée d’un filtre anti-minimalisme…

    Leur conclusion aurait aussi pu être (comme la votre) qu’aucune étude justifie de porter des grosses chaussures maximalistes, ni de promouvoir l’attaque talon… (auquel on pourrait ajouter qu’aucune études justifie de ralentir la cadence du pas de course et de faire plus de bruit lorsque l’on cours 🙂

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  6. Dans la publicité Facebook qui m’a amené à votre article, il est indiqué en en-tête « La réponse est non ! On vous dit pourquoi »

    j’ai ensuite lu votre article, et ensuite lu l’étude directement.
    Il est apparent que vous avez pris des largesses au niveau de la conclusion, personnellement j’ai pu lire :

    Research conducted […] there is no obvious benefit to such a change for the majority of runners. In fact, […] when running with one’s habitual pattern, thus leading to the possibility of incurring a secondary injury. Changing one’s footstrike to a mid- or forefoot strike may be beneficial to some but, […] it should not recommended for the majority of runners, particularly those who are recreational runners.

    Vous concluez par « non il faut absolument pas changer sa foulée au risque de se blesser » alors que l’étude conclu par « Ce n’est recommandé pour la majorité des coureurs à pieds, qui sont majoritairement les loisirs »
    tout en indiquant bien « le risque de blessure est surtout lié au changement » n’importe quel professionnel dira qu’il est important de pas changer trop rapidement au risque de blessure justement, que ça peut prendre des mois, voire des années.

    De plus est-il vraiment pertinent de dire que seulement 6% des coureurs qui utilisent avant/médio-pieds sans parler de leur résultats (alors que l’article fait bien mention d’une comparaison entre élite et non élite) ?
    c’est comme dire que 6% ne mange des personnes de mangent pas de fastfood sans parler que les 94% ont probablement de santé…

    Toute lecture d’article scientifique peut être orienté, que ça soit la lecture d’ensemble d’article, ou la lecture d’une revue, comme vous l’avez fait.

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  7. Bonjour Alex,

    Merci pour votre commentaire et pour avoir pris le temps de lire l’article.

    Je ne vois nulle part dans l’article le mot ‘absolument’ qui est en effet un terme fort. La conclusion (citée mot pour mot de l’étude originale) – il ne faut pas changer sa foulée car aucune preuve scientifique n’existe à ce jour pour montrer que cela est bénéfique – est susceptible de s’appliquer à une majorité de coureurs mais cela ne veut pas dire à tous les coureurs. À chacun d’en tirer les conclusions pour son cas personnel en fonction de son expérience, idéalement avec l’aide de professionnels qualifiés.

    Nous réfutons donc que notre article soit orienté ou fasse dire quelque chose que les chercheurs eux-mêmes ne communiquent pas.

    Pour ce qui est des statistiques sur le type de foulée observée par les études à ce jour :
    – les 6% correspondent aux coureurs s’appuyant uniquement sur la partie avant du pied
    – pour les coureurs attaquant du médio-pied, la proportion est là plus élevée (jusqu’à 23%)
    – ces données sont simplement des constatation des chercheurs pour montrer que les types de foulée avant et médio-pied, jugées par certains comme étant les meilleures, ne sont finalement pas adoptées par une majorité de coureurs. Ces constatations sont indépendantes des études sur les performances des coureurs ou le risque de blessure. Les chercheurs les utilisent pour introduire le sujet en quelque sorte.

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  8. Qu’on ne cherche pas à passer sur un autre type de foulée, je suis d’accord. Mais attaque talon ou pas, la foulée (et la technique de course en générale) *doit* être travaillée. Par du renforcement, par des éducatifs, etc… C’est un facteur majeur permettant d’éviter les blessures.

    Mais là l’article semble indiquer qu’il ne faut rien faire au niveau de la foulée. C’est… Très maladroit.

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