Depuis quelques années, trois lettres se sont invitées dans les conversations des coureurs : HRV, pour heart rate variability, ou VFC (variabilité de la fréquence cardiaque) en français.
Popularisée par des marques comme Whoop, Garmin ou Oura, elle est présentée comme l’ultime donnée de récupération. Mais est-ce un simple gadget marketing ou un véritable outil scientifique ?
En réalité, la VFC n’a rien de nouveau. Les chercheurs l’utilisent depuis plus de cinquante ans pour évaluer l’état du système nerveux autonome. La différence, c’est qu’aujourd’hui elle est accessible à tous grâce aux montres et aux bagues connectées.
Comprendre ce qu’elle mesure, savoir comment l’interpréter et l’utiliser dans vos entraînements peut réellement faire la différence entre progresser et s’épuiser.
Qu’est-ce que la variabilité de la fréquence cardiaque ?
On s’imagine le cœur battant comme un métronome, mais en réalité notre rythme cardiaque varie en permanence.
Même à 60 battements par minute, l’intervalle entre deux pulsations n’est pas d’une seconde pile. Parfois 0,8 s, parfois 1,1 s. Ces écarts, mesurés en millisecondes, constituent la VFC.

Ce chiffre reflète directement l’équilibre entre deux branches du système nerveux autonome :
- Le sympathique, responsable de la réaction « fight or flight » qui accélère le cœur en cas de stress ou d’effort
- Le parasympathique, qui ralentit le rythme et favorise la récupération.
Plus la variabilité est grande, plus l’organisme s’adapte avec souplesse aux contraintes extérieures.
Paradoxalement, une fréquence cardiaque irrégulière est donc le signe d’un système en bonne santé.
Des chercheurs comme Shaffer & Ginsberg (Front Public Health, 2017) ont montré que la VFC est un biomarqueur robuste du stress et de la santé cardiovasculaire.
Pourquoi les coureurs devraient s’y intéresser
Pour un coureur, la VFC agit comme un thermomètre de récupération.
Une VFC élevée indique que le système parasympathique domine, que l’organisme est reposé et prêt à encaisser une séance intense.

À l’inverse, une VFC basse signifie que le corps est encore sous stress, qu’il s’agisse de fatigue, de manque de sommeil ou d’une charge d’entraînement excessive.
Ainsi, des chercheurs finlandais (Kiviniemi et al., Eur J Appl Physiol, 2007) ont montré que des athlètes ajustant leurs séances selon leur VFC progressaient davantage que ceux suivant un plan fixe.
Concrètement, déplacer un fractionné parce que votre VFC est en chute libre peut suffire à éviter le surmenage ou la blessure.
Ce que dit la science sur VFC et performance
La littérature scientifique établit des liens solides entre VFC et performance.
Des travaux de Plews et al. (Front Physiol, 2013) montrent qu’une VFC élevée est corrélée à une meilleure VO2max et à une endurance supérieure.
À l’inverse, Stanley et ses collègues (Eur J Sport Sci, 2013) décrivent une baisse chronique de la VFC comme un signe précoce de surentraînement.
La nuance est importante : ce n’est pas le chiffre absolu qui compte, mais la tendance personnelle. Inutile de comparer vos résultats avec ceux de votre partenaire de club.
Ce qui a de la valeur, c’est d’observer vos propres variations sur plusieurs semaines et d’en tirer des conclusions adaptées.
Comment mesurer sa VFC
Pendant longtemps, la VFC se mesurait uniquement en laboratoire via un électrocardiogramme. Aujourd’hui, elle est accessible à domicile grâce aux capteurs optiques intégrés aux montres GPS, aux bagues connectées et aux capteurs de bras.
La plupart des dispositifs modernes mesurent la VFC automatiquement la nuit, lorsque le corps est au repos et que les interférences sont limitées.

C’est le cas des montres cardio-GPS (e.g. Garmin, Coros, Suunto) qui mesurent la VFC sur certains de leurs modèles ainsi que d’autres trackers fitness comme les bagues Oura.
Les bracelets Whoop se démarquent en se spécialisant sur la récupération (il n’ont pas de GPS) et proposent un suivi de la VFC également pendant la journée.
Quelque soit le système choisi, le point clé est la constance : il faut plusieurs semaines de suivi nocturne avec idéalement une routine fixe pour établir votre baseline et commencer à tirer des conclusions pertinentes pour votre entraînement.
Comment interpréter et améliorer sa VFC
La VFC est sensible à de nombreux paramètres.
Une surcharge d’entraînement ou un stress psychologique chronique la font baisser, tandis que des phases de récupération bien planifiées, un sommeil suffisant et une bonne hygiène de vie la font remonter.
Des chercheurs comme Stein & Pu (Curr Cardiol Rev, 2012) ont montré combien le stress prolongé abaisse significativement la variabilité cardiaque.
La biologie joue aussi un rôle : la VFC diminue naturellement avec l’âge, et chez les femmes, elle varie au fil du cycle menstruel (Sato, Jpn J Physiol, 1995).
La bonne nouvelle, c’est qu’elle peut être optimisée.
Le sommeil reste le levier numéro un : un déficit entraîne une chute nette de la VFC (Huang et al., Sleep, 2011).

Les techniques de respiration ou de méditation, comme la cohérence cardiaque, améliorent le tonus parasympathique et soutiennent la variabilité (Lehrer & Gevirtz, Front Psychol, 2014).
En pratique, alterner charge et récupération, limiter l’alcool, rester hydraté et miser sur une alimentation riche en micronutriments favorisent aussi une VFC stable et élevée.
Une routine simple suffit à améliorer sensiblement ce marqueur :
- Sept à huit heures de sommeil régulier
- Hydratation tout au long de la journée
- Cinq minutes de respiration consciente
- Récupération active après les grosses séances
Conclusion
La variabilité de la fréquence cardiaque est plus qu’une lubie, c’est un indicateur validé par des décennies de recherche scientifique.
C’est un outil précieux pour savoir quand pousser une séance exigeante, quand lever le pied et quand repérer à temps les signaux de surmenage qui peuvent aggraver le risque de blessure.
Faut-il baser tout son entraînement dessus ? Non. La VFC n’est pas une vérité absolue.
Il faut la voir comme un miroir de votre état interne à compléter avec le bon sens : sommeil, nutrition, récupération, gestion du stress.
Bref, pour progresser sans se cramer, vous avez tout intérêt à garder un œil attentif sur votre VFC.