Courir de nuit, c’est entrer dans une autre dimension de la course à pied. Le silence, la fraîcheur, la sensation de courir “hors du temps”. On se retrouve dans sa bulle, s’imaginant plus rapide, en plein milieu d’une aventure épique.
Pourtant, cette expérience comporte son lot de défis. En ville ou en pleine montagne, les sorties nocturnes demandent plus de préparation et d’attention que celles effectuées en plein jour.
Cet article a pour but de vous aider à adopter de bonnes habitudes et à choisir le bon équipement pour que la nuit devienne votre alliée lorsque les journées raccourcissent.
Course nocturne : qu’est-ce qui change ?
A l’instar de vos sorties habituelles en pleine journée, l’obscurité est le défi principal de la course de nuit. La vision périphérique est réduite, le terrain plus difficile à repérer, et la navigation peut en souffrir aussi.
Un effort plus intense ?
Une publiée dans le journal Medicine & Science in Sports & Exercise (1) a examiné comment la perception de l’effort change lorsqu’on vit des changements dans le flux optique, y compris la nuit.
Les coureurs étudiés ont eu tendance à plus ressentir l’effort, se pensant plus fatigués plus vite lorsqu’ils couraient dans l’obscurité.
De manière anecdotique aussi, courir de nuit donne souvent la perception d’une plus grande vitesse sur le moment. Cela nous rend plus alertes, essayant de nous concentrer davantage sur le terrain. Personnellement, il m’est arrivé d’avoir un mal de tête suite à une hyper-concentration pendant les trails de nuit.
L’impact du froid
Il y a aussi la question des changements de température. Généralement, le froid coûte plus d’énergie, ce qui peut altérer la performance. En sortie courte, c’est assez facile à gérer avec le bon équipement.
En ultra-trail, une bonne gestion du matériel et de la température corporelle peuvent faire la différence entre une course réussie et un DNF (did not finish).
Cela a été mis en évidence rudement cette année à l’UTMB, où de nombreuses élites ont abandonné pendant la première nuit après s’être mal alimentées à cause des mains gelées, ou s’être retrouvées en hypothermie aux points les plus hauts du parcours.
Les dangers de la nuit
Finalement, n’oublions pas la sécurité. D’un côté, il faut bien éclairer son chemin et se rendre visible aux voitures ou autres coureurs. De l’autre, surtout dans les régions urbaines, il se pose la question de pratiquer ses entraînements en sécurité, surtout en tant que femme.
L’application Strava avait publié, dans son rapport sur la course à pied 2024 (2), des données assez sérieuses : 45 % des femmes ne courent pas avant le lever du soleil, et 16 % ne sortent pas le soir.
Cela illustre à quel point nous ne sentons pas en sécurité sur les sentiers moins bien éclairés ou toutes seules dans l’obscurité.
La sécurité d’abord
La première règle pour courir en sécurité, c’est la visibilité.
Être vu·e est aussi important que bien voir. Le rapport 2023 de l’European Road Safety Observatory (3) rappelle que presque deux fois plus de piétons sont accidentés pendant les mois d’hiver que le reste de l’année, à cause de l’obscurité.
Il est donc essentiel de multiplier les points lumineux et réfléchissants lors de vos sorties : gilet, brassards, voire chaussures avec détails phosphorescents.
Côté mauvaises rencontres, la prudence est aussi de mise. Choisissez des itinéraires connus, évitez les zones isolées, et partagez votre trace GPS avec un proche via une application.
Beaucoup de coureurs, moi y compris, activent le mode “LiveTrack” de Garmin ou le partage en temps réel sur Strava (le Beacon). Cela rassure la famille et ajoute une sécurité supplémentaire, que vous soyez en ville ou sur les sentiers.
Mes applications utiles pour courir la nuit
- Strava Beacon : partage en direct de votre position avec des contacts. Nécessite un compte payant si on l’utilise avec sa montre connectée, mais est gratuit si vous utilisez l’appli Strava sur votre smartphone. Cela peut être activé en même temps que vous enregistrez votre activité sur la montre et il suffit ensuite de supprimer la duplicata sur Strava en fin de course.
- Garmin LiveTrack : parfait si vous avez une montre connectée Garmin. Nécessite un réseau assez fort, par contre, donc pas idéal dans les zones les moins bien couvertes.
- Komoot : pour planifier un parcours sûr et bien balisé, en utilisant les notes données par les autres utilisateurs. Il est important de toujours vérifier combien de personnes ont couru votre route et leurs commentaires.
Strava a également lancé ses heatmaps qui montrent les trajets les plus empruntés par ses utilisateurs. Ce qui est important ici, c’est le fait de pouvoir basculer sur la carte d’activité nocturne, qui montre combien sont fréquentés les routes et les chemins de votre trajet pendant la nuit. Très utile pour savoir où ce ne serait pas prudent d’aller.
Courir en groupe : un atout précieux
Encore une astuce pour la sécurité : la nuit, courir à plusieurs n’est pas seulement plus convivial, c’est aussi plus sûr.
Rejoindre un club local ou une association de trail running est une excellente idée. Beaucoup organisent des sorties nocturnes en semaine. C’est une belle opportunité de se faire des amis et de découvrir de nouveaux trajets.
Si vous ne trouvez pas de club, pourquoi ne pas créer votre petit groupe ? Un simple message sur un forum local ou dans une boutique de running suffit souvent à motiver d’autres passionnés.
Adapter son entraînement
Il est important de rappeler que la course de nuit n’est peut-être pas le moment idéal pour des entraînements sophistiqués.
Si vous avez l’accès à une piste d’athlétisme ou un parc bien éclairé, vous pourrez y conduire vos séances de fractionné. Mais, si vous habitez dans des zones rurales avec peu d’éclairage public, je ne recommande pas sortir à la lampe frontale uniquement, car c’est plus dangereux (au moins que vous y soyez bien habitué·es).
Laissons donc les séances plus compliquées pour les pauses déjeuner ou la fin de semaine, où vous pouvez sortir sous le soleil.
Par contre, les entraînements de nuit en allure endurance facile peuvent vous apporter plusieurs bénéfices :
- Vous vous habituerez aux sensations de course nocturne, pour mieux vivre les passages nocturnes dans les ultras;
- Vous pouvez tester votre équipement et vous assurer surtout d’avoir la lampe frontale qui vous convient le plus;
- C’est aussi un bon test de nutrition sportive. Il peut être plus difficile de digérer pendant la nuit et de continuer à s’alimenter correctement. Évitez ce piège en course en vous y entraînant avec quelques sorties plus longues où vous vous alimentez comme de jour et voyant comment cela vous affecte. Il est possible que vous deviez consommer moins de glucides pendant la nuit, par exemple.
Je ne parlerai pas ici de l’importance d’entraîner la fatigue et de l’impact sur le rythme circadien, mais ce sont aussi des sujets plus complexes que nous adresserons à l’avenir.
Comment s’équiper en course de nuit
On a déjà couvert l’importance de la visibilité et de l’éclairage. De plus, la course de nuit vous impose une bonne gestion de la température. Voici quelques-unes de mes recommandations spécifiques aux sorties nocturnes.
Vous rendre visible
Privilégiez des gilets et des chaussures avec des éléments réfléchissant (qui sont maintenant visibles sur la plupart des modèles, heureusement). Pour plus de sécurité, ajoutez un gilet comme celui de Nathan ou la lampe pectorale Kiprun Run Light 250 qui vous aide aussi à éclairer le chemin.
Un éclairage léger et efficace
Choisissez une lampe frontale puissante, mais aussi confortable et légère. Mes préférées sont la Petzl Nao RL surtout pour les ultras, et la toute petite Petzl Bindi, ultra compacte, légère, mais assez puissante pour des sentiers peu techniques.
Gérer la température
Une veste coupe-vent est toujours utile pour vous aider à courir sans avoir trop froid, par exemple la Salomon Bonatti Cross Wind dont le traitement déperlant la rend résistante contre les pluies fines aussi.
Mais attention, ne pas porter trop de couches ou vous risquez de vous surchauffer !
J’utilise souvent des gants (comme les Oasis Liners d’Icebreaker) et des tours de cou (comme Buff Original Ecostretch) pour me maintenir au chaud sans mettre trop de vêtements.
Autres conseils pratiques
- Habillez-vous par couches : l’air se refroidit vite, même en été. Mais les températures peuvent changer dans les deux sens, avec des “poches” de chaleurs. C’est pourquoi (surtout pendant les ultras) il est bien d’avoir une veste coupe-vent facile à enfiler, des gants et un tour de cou avec soi. Cela vous permet de combiner les éléments selon la météo.
- Hydratez-vous régulièrement : la sensation de soif est moindre la nuit, mais le besoin reste.
- En entraînement, privilégiez les parcours connus : la nuit n’est pas le meilleur moment pour explorer de nouveaux sentiers techniques.
- Travaillez votre mental : certains coureurs parlent d’une “bulle” qui se crée la nuit, alors que d’autres, comme Fernanda Maciel, préfèrent la nuit car on ne regarde plus la montagne dans son ensemble, et c’est plus facile psychologiquement (comme elle en parle dans cette vidéo). Dans tous les cas, faites des exercices de visualisation avant un ultra de nuit, imaginant comment vous allez passer les heures dans le noir. Cela vous aidera énormément le jour J.
Derniers mots
Courir la nuit n’est pas seulement une contrainte logistique. C’est une expérience unique qui développe vigilance, force mentale et endurance. Avec les bons réflexes et un équipement adapté, l’obscurité peut en fait devenir un terrain de jeu de plus.
Et vous, quelles sont vos expériences de course nocturne ? Avez-vous déjà trouvé votre routine ou votre groupe du soir ? Partagez vos histoires avec nous en commentaires ou sur les réseaux !
Références
Optic Flow Influences Perceived Exertion and Distance Estimation but not Running Pace. Medicine & Science in Sports & Exercise 46(8):p 1658-1665, August 2014. | DOI: 10.1249/MSS.0000000000000257
https://journals.lww.com/acsm-msse/fulltext/2014/08000/optic_flow_influences_perceived_exertion_and.23.aspx
Strava publie son Rapport des tendances de l’Année sportive, qui montre ce qui fait ou défait la motivation d’une génération à l’autre (3 Janvier 2024) https://press.strava.com/fr/articles/strava-releases-year-in-sport-trend-report
European Road Safety Observatory. Facts and Figures – Pedestrians (2023)
https://road-safety.transport.ec.europa.eu/system/files/2023-02/ff_pedestrians_20230213.pdf