Les chaussures de course à plaque carbone ne laissent personne indifférent. Chacun a son propre avis dessus et on trouve des informations très contradictoires.
Il devient également très difficile de s’y repérer avec tous les modèles. Si au début Nike avait le monopole, les différentes marques ont depuis longtemps rattrapé leur retard et on trouve une multitude de paires sur le marché.
En tant que testeur de Chaussure Running Lab, j’ai la chance d’avoir pu courir avec de très nombreux modèles — se valent-ils tous ?
De plus, les chaussures carbones sont-elles pertinentes pour tous les coureurs ou sont-elles réservées aux coureurs rapides ?
C’est ce que nous allons voir dans cet article qui se base sur une étude scientifique publiée récemment sur le sujet (1).
Quelles différences entre les modèles ?
Les marques qui dominent le secteur proposent toutes des produits très performants. J’ai d’ailleurs eu beaucoup de mal à faire mon choix pour mon dernier marathon.
Malgré cela, on peut noter de très nombreuses différences. Une chaussure assez radicale comme la Mizuno Wave Pro Rebellion va forcément davantage convenir à certains coureurs et moins à d’autres. En effet, la géométrie agressive avec la découpe du talon handicape forcément les talonneurs purs.
L’étude présentée ci-dessous s’intéresse à cette variation suivant les coureurs en étudiant 4 modèles de marques différentes et leur influence sur des coureurs amateurs.
Mais sur quel type de coureur ? On entend souvent que les modèles à plaque carbone sont destinés aux élites. Est-ce bien vrai ?
Nous avons déjà partagé un article sur le sujet et cette nouvelle étude devrait renforcer ses conclusions.
Les chaussures à plaque carbone sont-elles utiles pour les coureurs lents ?
Cette étude s’intéresse également à cela. Les chercheurs Marlene Riedl, Carlo von Diecken et Olaf Ueberschär ont voulu étudier l’effet des chaussures à plaque carbone sur des coureurs amateurs. Il y a déjà eu de nombreuses études effectuées sur des coureurs élites, mais ils soulignent que ces résultats ne sont pas significatifs selon eux et expliquent pourquoi dans l’étude.
Ils ont donc choisi pour cette expérience 21 triathlètes amateurs : 12 hommes et 9 femmes (moyenne d’âge 34,9 ans pour les hommes et 29,1 pour les femmes). Tous ces athlètes courent en moyenne 32,4 km par semaine et ont pour niveau moyen sur 10 km 36’50 pour les hommes et 45’09 pour les femmes.
Tous les participants ont déclaré être en bonne santé le jour du test et ne pas avoir eu de blessures depuis au moins 3 mois. Il n’y avait aucun critère d’exclusion concernant la pointure. Les critères de choix de ces coureurs sont longs et détaillés dans l’étude (lien disponible en bas).
Les paires de chaussures choisies
Les coureurs pensent souvent à Nike quand on leur parle de chaussures à plaque carbone. Mais pour cette étude, les chercheurs ont porté leur choix sur les quatre modèles suivants :
- La Mizuno Wave Rebellion Pro
- La Hoka Rocket X2
- La Puma Fats-R Nitro Elite
- La Saucony Endorphin Pro 3
Pourquoi ces paires et pas d’autres ? Le choix a été fait sur ces paires car elles ont toutes des caractéristiques différentes de drop, de poids, de mousse et de position ou d’inclinaison de la plaque.
Le déroulement de l’étude en détail
Une conception croisée randomisée a été utilisée pour évaluer l’effet de ces quatre paires sur le rendement énergétique des coureurs choisis, le tout sur deux séances en laboratoire distinctes et étalées dans le temps.
Les coureurs se sont abstenus de toute séances dans les 48h qui précédaient chaque visite et on été invités à ne pas changer leur alimentation.
Lors de la première visite, les participants ont pris leur propre chaussure d’entraînement préférée et en bon état. Sur tapis roulant (1 % d’inclinaison), les coureurs étaient équipés d’un moniteur de fréquence cardiaque et d’un masque facial pour obtenir toutes les mesures souhaitées (e.g. échanges gazeux cardio-pulmonaires).
Séance 1
Chaque participant a ensuite démarré à une vitesse de 6 km/h, avec une augmentation de 2 km/h toutes les 3 minutes, jusqu’à l’épuisement volontaire.
Ce test a permis de calculer les trois vitesses de course v1, v2 et v3 pour la visite suivante.
Séances 2
Celle-ci a eu lieue 48 h après la première, sans aucune activité entre les deux.
Les participants ont effectué 5 répétitions de 3*3 minutes sur tapis, en portant une paire de chaussures différente à chaque essai, dans un ordre aléatoire :
Chaque répétition consistait en 3 intervalles de vitesse croissante (de v1 à v3), séparées par 5 minutes de récupération pendant lesquelles les coureurs changeaient de chaussures.
Avant chaque reprise, les mesures étaient effectuées pour s’assurer que l’état physiologique était proche de celui de base.
Résultats
Les calculs sont complexes et bien détaillés dans l’article disponible. Notons que deux coureurs ont été retirés de l’étude, car ils avaient trop forcé lors de l’étape v2 et avaient dépassé le seuil d’anaérobie systémique.
Comme prévu, tous les modèles de chaussures à plaque carbone ont réduit significativement la consommation d’énergie par rapport aux chaussures traditionnelles.
Chose très intéressante (et ce n’est pas une surprise pour moi), tous les participants n’ont pas réagi de la même façon suivant les modèles. Cela semble évident mais c’est ainsi confirmé. Par exemple, comme je l’évoquais, la Mizuno est radicale et ne convient donc pas à tout le monde.
Il y a également un pourcentage assez significatif de coureurs qui ne profitent pas d’améliorations, ce qui selon les auteurs mériterait davantage d’études suivant le drop, la mousse et d’autres paramètres.
Résumer toutes les conclusions (notamment les comparaisons entre chaussures) serait très long. N’hésitez donc pas à aller voir tous ces résultats.
Limites de l’étude
En toute transparence, les chercheurs pointent eux-mêmes les limites de cette étude. Tout d’abord, tous les participants n’ont pas couru avec chaque chaussure sur les trois vitesses, car cela aurait fait beaucoup trop de combinaisons à tester.
Ensuite, les vitesses étudiées et le rendement énergétique associé doivent être pris avec prudence : une quantité d’énergie non négligeable peut avoir été produite par « glycolyse anaérobie », même si cela a été contrôlé en excluant certains sujets qui dépassaient une certaine quantité.
La variation observée chez les sujets peut donc être due à des anaérobies lactiques. Ainsi, les auteurs soulignent que les recherches futures devraient tenir compte de cette accumulation de lactates lors de l’effort pour augmenter la précision de l’effet des chaussures à plaque carbone.
Enfin, dernière limite relevée, il n’y avait que 4 marques représentées. L’utilisation d’autres modèles auraient pu conduire à d’autres résultats.
Conclusions
L’étude donne un aperçu complet des avantages des chaussures à plaque carbone sur l’économie d’énergie pour les coureurs amateurs.
Elle montre également beaucoup de variations suivant les différents modèles. La découverte d’un nombre non négligeable de personnes qui en tirent un avantage souligne la complexité des interactions entre les chaussures et la performance.
Enfin, les chercheurs soulignent que plus la vitesse est élevée, plus il faudrait tenir compte de l’accumulation de lactate pour plus de précision et de meilleures recommandations pour les coureurs.
Notre avis sur cette étude
Comme toute étude, il convient de relativiser et de ne pas en tirer de généralités en attendant que ses résultats soient reproduits par d’autres études similaires.
Cependant, je l’ai trouvée très intéressante, car elle illustre plusieurs points qui me tiennent à cœur.
Premièrement, je pense qu’il faut arrêter de dire que les bénéfices de ces chaussures ne sont que pour les athlètes élite ou les coureurs très rapides. Même si certains coureurs n’ont pas significativement amélioré leurs performances, les auteurs soulignent qu’ils n’ont peut-être tout simplement pas trouvé le modèle qui leur convient.
Et cela illustre le deuxième point : tous les modèles sont différents ! Certains conviendront mieux à certains coureurs que d’autres. D’où l’importance de tester et de trouver le modèle qui nous convient.
Pour revenir encore à la Mizuno Wave Rebellion Pro : c’est l’un de mes modèles préférés, mais il ne conviendra clairement pas à tout le monde en raison de la forte découpe du talon. Le manque de stabilité sera trop important pour certains coureurs.
En bref, chacun peut bénéficier de ces super-chaussures à plaque carbone et il est important de trouver la bonne paire pour soi. N’hésitez pas à consulter nos tests très complets qui se basent sur des essais terrains et prennent en compte une multitude d’avis pour offrir un consensus.
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Références
One Shoe to Fit Them All? Effect of Various Carbon Plate Running Shoes on Running Economy in Male and Female Amateur Triathletes and Runners at Individual Training and Race Paces
Riedl, von Diecken, and Ueberschär (2024)
Applied Sciences
https://www.mdpi.com/2076-3417/14/24/11535
